ESTEVANICO

ESTEVANICO 
L’INCROYABLE ODYSSEE DE L’ESCLAVE AFRICAIN DEVENU EXPLORATEUR EN AMERIQUE
Estevanico (1500 – 1539) est un explorateur et interprète d'origine marocaine.
Il est né vers 1500, dans la petite ville portuaire d’Azemmour, au Maroc, alors sous contrôle portugais.
A l'origine, il s’appelle « Mustapha Azemmouri » (litt. habitant d'Azemmour), mais aussi « Esteban », « Esteban le Maure », « Estevan », « Estebanico », « Stéphane le Maure » ou encore « Stéphane le Petit »
Ses yeux sombres contemplaient l’océan Atlantique, horizon de mystère et de promesses.
Mais son destin, lui, n’allait pas être doux : Issu d’un peuple berbère ou maure, encore jeune, il fut capturé par les Portugais et vendu comme esclave.

Il est mentionné dans de nombreux journaux de bord d’expéditions et d'explorations du Sud-Ouest américain au 16ème siècle comme un serviteur de l'explorateur espagnol Álvar Núñez Cabeza de Vaca.
Cet homme est considéré comme étant le premier Marocain mais également le premier Africain à avoir mis pied, en 1528, sur ce que sont désormais les États-Unis d’Amérique.
C’est ainsi qu’il passa entre les mains d’un noble espagnol, Andrés Dorantes de Carranza,
qui lui donna un nouveau nom : Esteban de Dorantes ou plus simplement Estevanico.
Nom de naissance : مصطفى الازموري
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Le grand départ et l’expédition de Narváez (1527-1528). 
Estevanico voyage avec Dorantes à Hispaniola et Cuba, dans l'expédition malheureuse de Pánfilo de Narváez en 1527.
L'expédition, composée de quelque 300 hommes et menée par le nouvel adelantado (gouverneur) de La Florida, Pánfilo de Narváez, quitta Cuba en février 1528 avec l'intention de se rendre à l'île de Las Palmas, près de l'actuelle Tampico, au Mexique, pour y établir deux colonies.
Estevanico embarque pour le Nouveau Monde. Il pose pied sur ce qui est maintenant les États-Unis d'Amérique.
L’Espagne envoie une imposante expédition sous les ordres de Pánfilo de Narváez :
cinq navires, plus de six cents hommes avec un rêve, conquérir la Floride.
Mais dès l’arrivée en 1528 sur les côtes américaines, ce rêve tourne au cauchemar.
Des tempêtes et des vents violents forcèrent la flotte à se diriger vers la côte ouest de la Floride.
L'expédition Narváez débarqua à l'actuelle Saint-Pétersbourg, en Floride, sur les rives de la baie de Boca Ciega.
Narváez ordonna à ses navires, ainsi qu'à 100 hommes et 10 femmes, de naviguer vers le nord à la recherche d'un grand port dont ses pilotes leur assurèrent la proximité.

Il mena 300 autres hommes, accompagnés de 42 chevaux, vers le nord le long de la côte, avec l'intention de rejoindre ses navires au grand port.
Il n'y a pas de grand port au nord de la baie de Boca Ciega et Narváez n'a jamais revu ses navires.

Après avoir marché 480 kilomètres vers le nord et avoir affronté les Amérindiens, les survivants construisirent des bateaux pour naviguer vers l'ouest le long de la côte du Golfe, dans l'espoir d'atteindre Pánuco et le Rio de las Palmas.
Une tempête éclata alors qu'ils se trouvaient près de l'île de Galveston, au Texas.
Environ 80 hommes survécurent à la tempête et furent rejetés sur le rivage de l'île de Galveston.
La pénurie de vivres et la faim et les maladies fauchent les soldats, les attaques et les flèches amérindiennes déciment les hommes et achèvent les survivants.

Après 1529, trois survivants d'un bateau, dont Estevanico, furent réduits en esclavage par les Indiens Coahuiltecan.
En 1532, ils retrouvèrent un autre survivant d'un autre bateau, Álvar Núñez Cabeza de Vaca.
Les quatre hommes passèrent des années en esclavage sur les îles barrières du Texas.
Huit années d’errance (1528-1536)
Pendant huit années, Estevanico erre avec trois compagnons :
• Álvar Núñez Cabeza de Vaca (trésorier et commandant en second),
• Andrés Dorantes de Carranza,
• Alonso del Castillo Maldonado.
De naufrages en fuites, ils sont réduits à cette poignée de survivants perdus sur des terres inconnues.
En 1534, les quatre survivants s'enfuirent vers l'intérieur des terres américaines et devinrent chamans.
Les quatre hommes, Cabeza de Vaca, Andrés Dorantes de Carranza, Alonso del Castillo Maldonado et Estevan, s'échappèrent de captivité en 1534 et se dirigèrent vers l'ouest, jusqu'à l'actuel Texas, dans le sud-ouest des États-Unis et le nord du Mexique.
Ils furent les premiers Européens et Africains à pénétrer dans l'Ouest américain.
Après avoir parcouru près de 3 200 kilomètres depuis leur premier débarquement en Floride, ils atteignirent finalement leurs compatriotes dans une colonie espagnole à Sinaloa en Nouvelle-Espagne, en traversant le désert de Sonora.
Pendant ces huit longues années, les quatre rescapés marchent à travers les plaines du Texas, les déserts de l’Arizona et les montagnes du nord du Mexique.
Après avoir trouvé une petite colonie espagnole, les quatre survivants parcoururent 1 600 kilomètres vers le sud, jusqu'à Mexico où ils arrivèrent en juillet 1536
Pour survivre, ils deviennent esclaves chez certaines tribus, puis guérisseurs.
Ils apprennent à soigner avec des herbes médicinales, à poser les mains sur les malades grâce à des rituels.
Estevanico était considéré comme une divinité par les tribus amérindiennes en raison de son grand savoir en ce qui concerne les herbes et les remèdes.
Les peuples amérindiens les observent, hésitent, puis finissent par les accepter.
En tant que guérisseurs, ils furent traités avec le plus grand respect et reçurent nourriture, abri et cadeaux et les villages organisèrent des célébrations en leur honneur.

Lorsqu'ils décidèrent de partir, le village d'accueil les guidait vers le village suivant.
Parfois, jusqu'à 3 000 personnes les suivaient jusqu'au village suivant.
Estevanico et ses compagnons furent les premiers non-autochtones à visiter les terres pueblos.
Le groupe traversa le continent jusqu'à l'ouest du Mexique, dans le désert de Sonora, jusqu'à la région de Sonora en Nouvelle-Espagne (aujourd'hui le Mexique).
Cabeza de Vaca publia la « Relación » en 1542, un livre relatant leur périple de huit ans pour survivre, qui contenait des informations sur Estevanico. Ce livre fut réimprimé en 1555.
Il s'agissait du premier ouvrage publié décrivant les peuples, la faune et la flore de l'intérieur de l'Amérique du Nord et le premier à décrire le bison d'Amérique.
Dans la « Relación », Cabeza de Vaca expliquait qu'Estevanico partait souvent avant les trois autres survivants, car il avait appris certaines parties de la langue indigène.
Et là, Estevanico se révèle et se distingue particulièrement :
Il apprend les langues autochtones.
Estevanico était un polyglotte remarquable et il était capable d'apprendre en quelques semaines une des multiples langues des Amérindiens.
Il a la capacité à gagner la confiance des peuples amérindiens, leur raconte des histoires.
Il devient intermédiaire et diplomate dans son rôle d’interprète et de médiateur entre Espagnols et indigènes, une passerelle entre deux mondes.
Sans lui, les Espagnols n’auraient pas survécu.
Cabeza de Vaca lui-même le reconnaîtra : Estevanico fut la clé de leur salut.
Un éclaireur du Nouveau Monde !
En 1536, amaigris, vêtus de peaux, les quatre survivants parviennent enfin aux colonies espagnoles du Mexique.
Pour Estevanico, l’aventure ne s’arrête pas là.
Estevanico devient la propriété du vice-roi de Nouvelle-Espagne, Antonio de Mendoza. 
Dans une lettre à Charles Quint, Mendoza écrivit : « J'ai retenu un nègre qui était venu avec Dorantes.»
Selon une source contemporaine, Mendoza aurait acheté Estevanico ou l'aurait reçu en cadeau de Dorantes.
Il existe des preuves que Mendoza a émancipé Estevanico ;
il fut ajouté à la garde personnelle du vice-roi et ne fut plus jamais qualifié d'esclave.
Trois ans plus tard, en 1539, le vice-roi de la Nouvelle-Espagne (Mexique actuel) envoie Estevanico (qui fut chargé de servir de guide à l'expédition) en éclaireur pour accompagner une mission franciscaine, expédition dirigée par Fray Marcos de Niza, un moine franciscain, chargé d’explorer les terres au nord du Mexique à la recherche des mythiques et fabuleuses “Sept Cités d’Or de Cíbola”.

Les autres compagnons contractent une maladie et Estevanico est le seul à continuer, frayant le chemin de ce qui est maintenant le Nouveau-Mexique et l'Arizona.
Le 7 mars 1539, l'expédition quitta Culiacán, la colonie espagnole la plus septentrionale de Nouvelle-Galice.
Estevanico part en avant-garde, précédait le groupe principal avec un groupe de guides Indiens de Sonora et une quantité de marchandises.
Comme auparavant, il endossait le rôle d'homme-médecine, portant des clochettes, des coquillages, des grelots, des amulettes et des plumes aux bras et aux chevilles, ainsi qu'une gourde décorée de guirlandes de clochettes et de deux plumes.
Fray Marcos lui avait demandé de communiquer en renvoyant des croix au groupe principal, la taille de la croix indiquant l'importance de ses découvertes.
Un jour, une croix haute comme un homme arriva et les messagers racontèrent qu'Estevanico avait entendu parler de sept grandes et riches cités dans une région du nord appelée Cíbola.
Le groupe précurseur poursuivit sa route vers le nord à la recherche de Cíbola, malgré les instructions de Fray Marcos de l'attendre.
La fin à Cíbola, son décès :
Alors qu'Estevanico était à une journée de marche de Cíbola, il envoya un messager annoncer son arrivée.
Informé de la visite imminente d'Estevanico, le chef du premier village, furieux, ordonna au messager de partir et menaça de tuer quiconque reviendrait.
Estevanico, indifférent à ces menaces, se dirigea vers Cíbola.
Mais son arrivée dans un village Zuni (actuel Nouveau-Mexique), tourne au drame.
Les habitants, méfiants de son arrivée, de ses demandes et de ses signes religieux et devant cet homme noir, étranger, couvert de symboles qu’ils ne comprennent pas, croient à une menace.
Les tensions montent.
Estevanico insiste, demande à être reçu comme un messager.
À l'arrivée du groupe, les villageois prirent leurs marchandises et les gardèrent toute la nuit sans eau ni nourriture.
L'un des Indiens qui accompagnait Estevanico réussit à s'échapper et à se cacher à proximité.
Le lendemain matin, il vit les hommes de Cíbola poursuivre Estevanico et lui tirer dessus.
Il ne vit pas ce qui arriva à l'Africain, mais d'autres membres de son groupe furent tués.
La peur et l’incompréhension prennent le dessus :
En 1539, Estevanico est tué par les Zuñi d'Háwikuh.
L'Indien caché s'empressa de raconter à Fray Marcos ce dont il avait été témoin.
Apprenant l'attaque, Fray Marcos se précipita.
Il rencontra bientôt deux autres Sonorans du groupe précurseur, blessés et tachés de sang.
Ils ignoraient le sort d'Estevanico, mais le supposaient mort.
Après avoir appris cela, De Niza retourna rapidement en Nouvelle-Espagne et rédigea un compte rendu de son expédition pour le vice-roi.
Dans son rapport, il rapporta la mort d'Estevanico à Hawikuh, telle que rapportée par des membres du groupe de l'Africain.

Un an plus tard, une expédition espagnole beaucoup plus importante, menée par Francisco Vázquez de Coronado, atteignit le pueblo où Estevanico avait été déclaré mort.
En août 1540, il écrivit au vice-roi que « la mort du nègre est parfaitement certaine, car de nombreux objets qu'il portait ont été retrouvés ».
Il écrivit également que les habitants du pueblo zuni où il mourut avaient tué Estevanico, le considérant comme un « homme mauvais », qui tuait et agressait leurs femmes.
D'autres récits contemporains de la mort d'Estevanico sont connus. Pedro de Castañeda de Nájera, chroniqueur de l'expédition de Coronado, écrivit que les hommes de Cibola le tuèrent, offensés qu'il leur demande des turquoises et des femmes.
Hernando Alarcon, également membre de l'expédition, apprit que lorsqu'Estevanico se vanta d'avoir de nombreux partisans armés à proximité, les chefs de Cibola le tuèrent avant qu'il ne puisse révéler leur emplacement à ses partisans.
Sancho Dorantes de Carranza, petit-fils d'Andrés Dorantes de Carranza, écrivit qu'Estevanico fut « transpercé de flèches comme saint Sébastien ».

Les historiens modernes ont avancé d'autres théories pour expliquer la mort d'Estevanico.
On a suggéré qu'Estevanico, qui portait des plumes de
hibou et une gourde de guérisseur, aurait pu être perçu par les Zuni comme un homme-médecine, ce qu'ils punissaient de mort.
D'autres émettent l'hypothèse qu'il aurait pu ressembler à un sorcier maléfique de la religion zuni, le kachina « Chakwaina ».
Juan Francisco Maura a suggéré en 2002 que les Zuni n'avaient pas tué Estevanico, mais que lui et ses amis étaient restés parmi les A:shiwi qui l'avaient probablement aidé à simuler sa mort afin qu'il puisse recouvrer sa liberté.
Certaines légendes folkloriques affirment que le personnage kachina, Chakwaina, est inspiré d'Azemmouri.
Sa mort met fin à son extraordinaire aventure, mais elle marque aussi le début des explorations espagnoles vers le sud-ouest des États-Unis.
Cabeza de Vaca raconte qu’Estevanico était particulièrement habile à établir des contacts avec les tribus.
Contrairement aux Espagnols qui inspiraient souvent la peur, Estevanico savait gagner la confiance et servir d’intermédiaire culturel.
Son rôle a été crucial pour que les survivants réussissent à atteindre des zones sous contrôle espagnol après leur long périple.
Héritage
Son nom s’éteint presque avec lui.
Les chroniques espagnoles préfèrent glorifier les nobles survivants, minimisant le rôle de l’esclave.
Pourtant, aujourd’hui, les historiens redécouvrent son importance :
• Estevanico fut le premier Africain explorateur de l’Amérique du Nord.
• Il parcourut des miliers de kilomètres à travers des terres hostiles.
• Il est reconnu comme un pionnier de la rencontre entre cultures : Afrique, Europe et Amériques.
• Il fut médiateur entre Européens et peuples autochtones, respecté pour ses talents de communicateur.
• Aujourd’hui, plusieurs ouvrages, monuments et récits redonnent vie à son parcours.
De simple esclave marocain, il est devenu une légende oubliée, un pionnier de l’Ouest bien avant les cowboys.
Ainsi s’achève l’odyssée d’Estevanico :
un homme arraché à sa terre natale, ballotté par le destin,
mais qui, dans l’immensité sauvage du Nouveau Monde, laissa une empreinte indélébile.
La légende de Mustapha Zemmouri a inspiré un roman de Hamza Ben Driss Ottmani intitulé « Le Fils du Soleil » (2006).
En 2015, la romancière marocaine Laila Lalami est finaliste du prix Pulitzer pour « The Moor's Account », un roman de fiction sur Estevanico, le premier explorateur de l'Amérique du nord et l'un des quatre survivants de l'expédition Narváez en 1527.
Il paraît que les descendants de la famille de Mustapha Azemmouri (Estebanico), résident depuis des siècles dans la médina de Rabat au Maroc.
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Date de dernière mise à jour : 05/10/2025

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