GEORGE WASHINGTON ET L'ESCLAVAGISME
ARTICLE DE ROLAND ROTH
GEORGE WASHINGTON et SES ESCLAVES
George Washington était un important propriétaire d'esclaves avant, pendant et après sa présidence.
À la fin de sa vie, Washington a pris la décision d’affranchir tous les esclaves qu'il possédait dans son testament de 1799 et ceci après la mort de sa veuve, mais celle-ci les libère dans l'année qui suit le décès de son mari.
Un des biographes américains du Marquis de La Fayette, Peter Buckman, a dit dans sa correspondance : « Je n’aurais jamais tiré mon épée pour la cause de l’Amérique si j’avais su que, ce faisant, je fondais un pays d’esclavage ».
Alexis de Tocqueville, le magistrat, écrivain, historien, académicien, philosophe, voyageur, politologue, précurseur de la sociologie et homme politique français, n’a pas eu de mots assez durs envers George Washington et les autres « pères fondateurs » qui lui ont succédé, Jefferson, Madison et Monroe, tous propriétaires d’esclaves.
Malgré tout, bien qu'ayant été un esclavagiste pendant 56 ans, George Washington a lutté contre l'esclavage et a écrit sur son désir de mettre fin à cette pratique.
Dès le 1er décembre 1774, George Washington signe les Résolutions de Fairfax qui visent à mettre fin à toutes les exportations des colonies vers la Grande-Bretagne et à interdire la traite des esclaves.
Washington déclara que l'esclavage est un commerce cruel et contraire aux lois de la Nature mais il considère que la liberté ne peut être donnée qu’aux personnes capables de l’assumer.
Washington milite dans les années 1780 au Congrès américain pour l’abolition de l’esclavage dans lequel il voit déjà à ce moment-là une source de problèmes pour l’avenir du pays.
En 1783, dans une lettre, Gilbert du Motier Marquis de La Fayette propose à son ami George Washington
« d'acheter ensemble un domaine où travailleront des Noirs libres pour montrer à tous la possibilité de leur émancipation. »
En 1786, dans une lettre adressée au général La Fayette engagé en Guyane dans l'abolition, il exprime son souhait de prendre des mesures permettant « d'abolir l'esclavage par degrés, de manière lente, sûre et imperceptible ». Il est ainsi partisan d’une phase transitoire pendant laquelle les esclaves noirs seraient sous tutelle.
Selon l’historien Henry Wiencek, sa propre pratique de l'achat d'esclaves, en particulier sa participation à un tirage au sort de 55 esclaves en 1769, l’a peut-être conduit à un réexamen graduel de l'esclavage.
L’admiration de Washington pour le talent de la poétesse noire Phillis Wheatley qui, bien qu’esclave, écrit en 1775 un poème en son honneur, auraient contribué à l’évolution de sa pensée.
Le père et le frère de George Washington ont acheté des esclaves.
Quand le père de George, Augustin Washington, meurt en 1743, George Washington a hérité une dizaine d’esclaves dès l'âge de onze ans.
Dans son testament, Augustin a laissé à son fils la ferme familiale de 280 acres près de Fredericksburg en Virginie.
En tant que jeune adulte, Washington a acheté au moins huit autres esclaves dont un charpentier nommé Kitt.
Washington a acheté plus d'esclaves en 1755 dont quatre hommes, deux femmes et un enfant.
Lorsque George Washington épouse Martha en 1754, , il possède 28 esclaves et elle en a 109.
Sur les 317 esclaves vivant à Mount Vernon en 1799, un peu moins de la moitié (123 personnes) appartenait à George Washington lui-même. 40 lui sont loués par un voisin.
Lorsque le premier mari de Martha Washington, Daniel Parke Custis, est décédé sans testament en 1757, elle a reçu les esclaves de celui-ci dans sa succession soit 153 esclaves appartenaient au domaine de Custis dont elle a l’usufruit.
Après avoir épousé Martha Dandridge Custis en janvier 1759, George Washington a pris le contrôle de toutes ces personnes.
Bien qu'ils ne soient pas tous venus à Mount Vernon immédiatement, beaucoup le seraient au cours des années à venir.
La peinture de 1780 de John Trumbull de George Washington représente William Lee (vers 1750 – 1810), un esclave qui était le serviteur et assistant personnel de George Washington pendant la guerre d'indépendance.
William Lee qui a servi aux côtés de Washington tout au long de la guerre d'indépendance, était chargé d'organiser les affaires personnelles du général, notamment ses volumineux documents et de tenir sa longue-vue.
William Lee resta esclave de Washington jusqu'à ce que les conditions du testament de Washington lui accordent la liberté en 1799.
Il fut le seul des esclaves de Washington à être libéré immédiatement par la volonté de ce dernier. Parce qu'il servit aux côtés de Washington tout au long de la guerre d'indépendance américaine et qu'il fut parfois représenté à côté de Washington dans des peintures, Lee fut l'un des Afro-Américains les plus médiatisés de son époque.
Les propriétaires esclavagistes administraient des punitions plus ou moins sévères pour contrôler leurs esclaves.
Washington et sa femme sont des propriétaires d'esclaves traditionnels et nullement réformateurs.
Tout comme dans les autres plantations à cette époque, les esclaves de George Washington travaillent du lever au coucher du soleil soit environ 18 heures par jour, sauf s'ils sont blessés ou malades et ils encourent le fouet en cas de tentative de fuite, ainsi que pour d’autres infractions.
George Washington admet rarement la maladie comme raison acceptable de cesser de travailler.
Il lui arrive aussi de fouetter lui-même des femmes enceintes, les accusant de mentir sur leur état.
Il déclare un jour à un surveillant que « peu de nègres travailleraient si on ne les avait pas constamment à l’œil », le mettant en garde contre leur « paresse et leur duplicité » quand ils ne sont pas traités avec fermeté.
George Washington motive ses esclaves en promettant de meilleurs habits, positions, couvertures et nourriture en récompense d'un travail bien fait.
En cas de mauvaise performance, c'est l'inverse, ils en sont privés. Si ce système ne suffit pas, il reste les coups de fouet.
Dans ses dernières années, George Washington pensait que des punitions sévères pouvaient se retourner contre lui et il a demandé aux surveillants de motiver les travailleurs avec des encouragements et des récompenses.
Mais il approuvait tout de même la punition et correction lorsque ces méthodes échouaient en fonction de l'infraction présumée.
Pendant la guerre d'indépendance, il interdit d'abord les Noirs dans l'armée continentale.
Lorsque le 7 novembre 1775, le gouverneur royal anglais de la Virginie annonce l'affranchissement des esclaves combattant pour la Grande-Bretagne, Washington revient sur sa position et autorise l'engagement des Noirs libres puis des esclaves.
Bien que Washington se considère lui-même comme un maître bienveillant, il ne tolère pas ceux qu’il soupçonne de « tirer au flanc », même lorsqu’il s‘agit de femmes enceintes, de vieux ou de paralysés.
Lorsqu’un jour un esclave tente de lui faire valoir que son bras en écharpe l'empêche de travailler, George Washington lui montre comment utiliser un râteau avec une seule main et le réprimande en ces termes : « Si une seule main te suffit pour manger, pourquoi ne te suffit-elle pas pour travailler ? »
Il a pour habitude d’envoyer aux Antilles les esclaves les plus récalcitrants tel le dénommé Jack Wagoner, là où le climat tropical et un labeur implacable abrègeront leur vie.
Il demande avec insistance à l'un de ses métayers de garder en activité un esclave de 83 ans nommé Gunner qui est dur à la tâche, pour qu’il « continue à extraire du sol de la terre à briques ».
En 1788, lorsque la rivière Potomac reste gelée pendant cinq semaines et que le sol est recouvert de 23 centimètres de neige, il continue à faire faire à ses esclaves des travaux extérieurs épuisants comme arracher des souches d'arbres dans un marécage gelé.
Après une sortie d’inspection de ses fermes pendant cette période exceptionnellement glaciale, il écrit dans son journal : « trouvant le froid désagréable, je suis rentré ».
En 1793, le directeur de la plantation, Anthony Whitting, a accusé Charlotte, une couturière asservie, d'être « impudente », en se disputant avec lui et en refusant de travailler.
En guise de punition, il l'a fouettée, un châtiment que George Washington jugeait « très approprié ».
Charlotte a précisé qu'elle n'avait pas été fouettée depuis 14 ans et que les châtiments corporels étaient sporadiques, mais pas inconnus à Mount Vernon.
La population d’esclaves de Mount Vernon utilisait des méthodes de résistance notamment en feignant la maladie, en travaillant lentement, en produisant un travail de mauvaise qualité et en égarant ou en endommageant des outils et du matériel.
D’autres méthodes de protestation plus fortes comprenaient des actions telles que le vol, l'incendie criminel et le sabotage des récoltes.
Au fil des ans, les esclaves de Mount Vernon ont été accusés d'avoir volé une grande variété d'objets, notamment des outils, des tissus, de l'igname, de la laine brute, du vin, du rhum, du lait, du beurre, des fruits, de la viande, du maïs et des pommes de terre.
Des influences de pratiques religieuses africaines et européennes étaient observées parmi la communauté esclave de Mount Vernon. Certains esclaves ont participé à des congrégations chrétiennes locales et avaient au moins un chef spirituel au sein de leur propre communauté, nommé Caesar, selon une publicité d'esclaves en fuite du printemps 1798.
Cette population asservie de Mount Vernon avait des contacts avec des églises chrétiennes comme les baptistes, les méthodistes et les quakers mais possédait aussi certaines traditions religieuses d'Afrique comme le vaudou et l'islam.
A l'occasion, la communauté des esclaves de Mount Vernon a saisi la possibilité de s’échapper
Lorsque leurs esclaves s’enfuient accompagnés de leurs femmes, George Washington et sa femme Martha les considèrent comme des « ingrats déloyaux ».
Par exemple, pendant la Révolution américaine, dix-sept esclaves de Mount Vernon dont quatorze hommes et trois femmes, ont fui le domaine.
Certains ont quitté Mount Vernon sur le navire de guerre britannique le HMS Savage ancré sur le Potomac.
Ces individus comprenaient l'assistant personnel de Washington, Christopher Sheels dont le plan d'évasion avec sa fiancée a été contrecarré ; le cuisinier Hercule Poset et Ona Judge, la servante personnelle de Martha Washington qui se sont tous les deux échappés avec succès.
Hercules Poset qui travaillait à Mount Vernon était le chef cuisinier de la propriété dans les années 1780,
cuisinant pour la famille de Washington et leurs invités.
En 1790, le président Washington l'emmène à Philadelphie, alors la capitale nationale temporaire, pour travailler à la President's House.
Hercules s'est échappé de Mount Vernon en 1797 pour être libre et a été plus tard légalement affranchi selon les termes du testament de Washington.
Ona « Oney » Judge Staines était une esclave appartenant à la famille Washington,
d'abord dans la plantation familiale de Mount Vernon, puis, après que George Washington soit devenu président, à la President's House à Philadelphie
Au début de la vingtaine, Judge s'est enfuie, devenant une esclave fugitive, après avoir appris que Martha Washington avait l'intention de transférer sa propriété à sa petite-fille, connue pour avoir un caractère horrible. Judge s'est enfuie dans le New Hampshire où elle s'est mariée, a eu des enfants et s'est convertie au christianisme. Bien que Judge n'ait jamais été officiellement libérée, la famille Washington a finalement cessé de la pousser à retourner en esclavage en Virginie après la mort de George Washington.
Quand certains de ses esclaves s'enfuient pendant la guerre d'indépendance pour trouver refuge auprès de l'ennemi anglais, Washington ne cesse de « réclamer ce qu'il considère comme son bien ».
Selon un rapport britannique de l’époque, Washington ne cesse après la guerre d’exiger le retour des esclaves fugitifs « avec toute la grossièreté et la férocité d'un chef de bande ».
Les Britanniques refusent cependant de restituer les esclaves, considérant qu’il serait déshonorant de « les livrer, certains peut-être à l’exécution, d'autres à une punition sévère ».
Harry Washington (né vers 1740- mort aux alentours de 1800) était aussi un esclave
qui fut acheté en 1763 par George Washington pour travailler à Mount Vernon.
En 1771, il s'échappe de Mount Vernon et il se réfugie à New York, mais retourne plus tard chez les Washington. Il travaillait alors dans les écuries de Mount Vernon, s'occupant des chevaux de George Washington avant de s'échapper à nouveau pour finir en Nouvelle-Écosse au Canada et émigrer en 1792 avec sa femme Jenny et 1 192 autres esclaves affranchis noirs vers la Sierra Leone en Afrique de l'Ouest où les Britanniques avaient établi cette nouvelle colonie d’anciens esclaves libres d'origine africaine.
George Washington a écrit son testament plusieurs mois avant sa mort en décembre 1799.
Dans le document, Washington a laissé des instructions pour l'émancipation éventuelle des personnes asservies qu'il possédait après le décès de Martha Washington.
Sur les 317 personnes réduites en esclavage à Mount Vernon en 1799, 123 d'entre elles appartenaient à George Washington et pouvaient être libérées selon les termes du testament.
Ni George et ni Martha Washington n'ont pu libérer par la loi les esclaves appartenant au domaine Custis.
À la mort de Martha Washington en 1802, ces esclaves ont été réparties entre les petits-enfants de Custis.
Conformément à la loi de l'État, George Washington stipulait dans son testament que les personnes âgées réduites en esclavage ou celles qui étaient trop malades pour travailler devaient être soutenues par sa succession à perpétuité.
En décembre 1800, Martha Washington a signé un acte d'affranchissement pour les esclaves de son mari décédé, une transaction qui est enregistrée dans les archives judiciaires du comté de Fairfax en Virginie.
Ils seront finalement émancipés le 1er janvier 1801.
Il est possible que George Washington ait eu un fils appelé West Ford (vers 1784 – 1863) avec une esclave « mulâtre » nommée Vénus.
Venus était esclave domestique du frère de George Washington, John Augustine Washington et de sa femme Hannah.
La tradition orale de la famille Ford affirme que le père de West Ford était le Président George Washington et certains historiens qui ont abordé la question pensent que cette théorie est possible, mais pas probable.
En 1802, Ford s'installe à Mount Vernon où le Président George Washington est décédé en 1799.
Ford devient un homme libre vers 1805.
En 1833, il fonde la colonie de Gum Springs qui est la première colonie afro-américaine du comté de Fairfax en Virginie.
Il continue à travailler à proximité de Mount Vernon jusqu'en 1860.
Il revient à Mount Vernon lorsque la « Mount Vernon Ladies' Association » l'amène sur le domaine pour prendre soin de lui pendant sa maladie et sa mort, alors que la guerre civile américaine fait rage.
Ses descendants tentent toujours de démontrer que West Ford était bien le fils de Washington.