SEISME DE SAN FRANCISCO
ARTICLE DE ROLAND ROTH
SEISME A SAN FRANCISCO
Le 18 avril 1906, la ville californienne de San Francisco est ravagée par un tremblement de terre et n’est plus qu’un amas de décombres.
Le plus grand port de la côte Ouest vient d’être détruit par un terrible séisme d’une ampleur sans précédent sur le territoire américain.
Avant la catastrophe, San Francisco était la 9ème plus grande ville américaine et la plus grande sur la côte occidentale avec une population de près de 410 000 habitants.
La ruée vers l'or de 1849 avait attiré des milliers d’émigrants et la famine en Chine avait poussé de nombreux Chinois à s’y installer.
Pendant six décennies, la ville fut le centre financier, commercial et culturel de l'Ouest américain.
Elle accueillait le plus gros port de la côte occidentale par lequel transitait la puissance économique et militaire américaine vers l'Asie et l'océan Pacifique.
Quarante-deux banques étaient installées dans la ville.
La vie culturelle était dynamique grâce aux cinq quotidiens, aux restaurants français, aux théâtres et à l’opéra Orpheum O’Farrell situé sur Mission Street qui pouvait accueillir 3 500 personnes.
D’un point de vue architectural, la ville était la plus belle de l’Ouest américain. Les magnats du chemin de fer et des mines se firent construire de magnifiques demeures sur Nob Hill.
LE SEISME
En avril 1906, le ténor Enrico Caruso, le célèbre ténor d’opéra italien et des membres de la Metropolitan Opera Company sont venus à San Francisco pour donner une série de représentations au Grand Opera House notamment au soir du 17 avril 1906.
Quelques heures plus tard, la plus belle ville de Californie n’est plus qu’un champ de ruines.
Pendant la nuit suivant sa prestation dans « Carmen », le ténor fut réveillé au petit matin dans sa suite du Palace Hotel par une forte secousse.
Serrant dans ses mains une photo dédicacée du président Theodore Roosevelt, Caruso tenta de quitter la ville, d'abord en bateau puis en train et jura de ne jamais revenir à San Francisco. Caruso mourut en 1921 en étant resté fidèle à sa parole.
La Metropolitan Opera Company perdit tous ses décors et costumes de voyage dans le tremblement de terre et les incendies qui suivirent.
LES FAITS
Le mercredi 18 avril 1906 à 5h du matin tout était calme mais à 5h12 un grondement sourd s’est fait entendre.
La ville a été touchée par une série de six secousses telluriques consécutives estimées à une magnitude d’environ 7,9 à 8,2 sur l’échelle de Richter et son épicentre se situait à 12,1 km à l’ouest de San Francisco sur la faille de San Andreas se trouvant au large des côtes au Nord-Ouest du Golden Gate.
Les secousses furent ressenties de l'Oregon à Los Angeles et à l'intérieur des terres jusqu'au centre du Nevada.
Une forte secousse préliminaire a précédé la secousse principale d'environ 20 à 25 secondes. La forte secousse principale a duré environ 42 secondes.
On pense maintenant que ces secousses étaient causées par d'importantes charges sédimentaires saisonnières dans les baies côtières qui recouvrent les failles, résultant de l'érosion causée par l'exploitation minière hydraulique au cours des dernières années de la ruée vers l'or en Californie.
La plus destructrice des secousses fut la troisième qui s’est produite à 8h45.
Le tremblement de terre et l'incendie qui en résulta restent à ce jour parmi les plus grandes catastrophes naturelles ayant touché une grande ville américaine.
La terre se lézarde et c’est la panique générale.
Les habitants ont vécu de folles heures d’angoisse et de terreur.
Les avenues sont éventrées, les quais effondrés et les structures d’acier tordues comme des fétus de paille.
28000 bâtiments ont été touchés.
Les maisons n’étaient pas conçues pour prendre en compte les risques sismiques.
Les immeubles se sont fendus en deux de la toiture aux fondations.
Les bâtiments en briques, tels que l'hôtel de ville (il fallait 25 ans pour le construire), ne résistèrent pas aux secousses.
Le tremblement de terre réduisit à néant le réseau téléphonique, le Cable Cars et les systèmes de communication.
Un bâtiment emblématique perdu dans l'incendie était le Palace Hotel, reconstruit par la suite, qui a accueilli de nombreux visiteurs célèbres dont des membres de familles royales et des artistes célèbres.
Il a été construit en 1875 principalement financé par le cofondateur de la Bank of California, William Ralston, « l’homme qui a construit San Francisco ».
Dans la région de la baie, l'université de Stanford fut en partie endommagée. Les villes de San José, Hollister, Bolinas et Santa Rosa furent également touchées.
Aussi dévastateurs que furent le tremblement de terre et ses répliques, les incendies qui se sont déclarés hors de contrôle par la suite ont été bien plus destructeurs et durèrent au total pendant quatre jours et quatre nuits pour détruire le plus de structures de la ville.
On estime qu'au moins 80 % à 95 % de la destruction totale était le résultat des incendies.
Plus de 30 incendies se déclarèrent à plusieurs endroits de la ville, certains causés initialement par les ruptures de conduites de gaz naturel et ont détruit environ 25 000 bâtiments sur 490 pâtés de maisons.
D'autres incendies furent la conséquence de feux de bois allumés par des réfugiés.
Par exemple l'incendie de « Ham and Eggs » survenu le 18 avril au matin à Hayes Street et Gough Streets dans la vallée de Hayes a été déclenché par une femme qui a allumé son poêle pour préparer le petit-déjeuner sans se rendre compte que la cheminée était gravement endommagée et détruisant une zone de 30 pâtés de maisons dont un collège, le Hall of Records et l'hôtel de ville.
D'autres encore furent démarrés intentionnellement puisque certains propriétaires mirent le feu à leurs propres immeubles endommagés afin de toucher l'indemnité d'assurance-incendie.
La pratique courante des assureurs était d'indemniser les propriétés de San Francisco contre les incendies mais pas contre les dommages causés par le tremblement de terre.
Certains incendies ont été déclenchés lorsque les pompiers du département des incendies de San Francisco, non formés à l'utilisation de la dynamite, ont tenté de démolir des bâtiments pour créer des coupe-feux. Les bâtiments dynamités prenaient souvent feu.
Le chef des pompiers de la ville, Dennis T. Sullivan, qui aurait été chargé de coordonner les efforts de lutte contre les incendies, est décédé des suites de ses blessures subies lors du tremblement de terre initial.
Les réservoirs contenaient 400 000 m3 d'eau mais les bouches d'incendie ne furent d'aucune utilité pour les pompiers puisque les conduites qui les alimentaient étaient mis hors service par le séisme.
Plusieurs feux dans le centre-ville convergèrent pour former une fournaise gigantesque. L'incendie détruisit près de 500 pâtés de maisons de Van Ness Avenue près du centre jusqu'aux quais bordant la baie.
Le quartier des affaires a été le premier détruit et des vents violents ont propagé le feu à travers toute la ville.
Plus de 20 km2 sont totalement réduits en cendre.
Au cours des premiers jours, les soldats ont rendu de précieux services en patrouillant dans les rues pour décourager les pillages et en surveillant des bâtiments tels que l'U.S. Mint, le bureau de poste et la prison du comté.
Ils ont aidé les pompiers à dynamiter les bâtiments sur le chemin des incendies.
L'armée a également été chargée de nourrir, d'abriter et d'habiller les dizaines de milliers d'habitants déplacés de la ville.
Sous le commandement du major-général Adolphus Greely, commandant de la division du Pacifique, plus de 4 000 soldats fédéraux ont servi pendant l'urgence.
Des policiers, des pompiers et des soldats réquisitionnaient régulièrement des civils de passage pour enlever les décombres et aider aux sauvetages.
Le 1er juillet 1906, les autorités non militaires ont pris la responsabilité des efforts de secours et l'armée s'est retirée de la ville.
La loi martiale fut déclarée et le 18 avril 1906, en réponse aux émeutes parmi les évacués et aux pillages, le maire Eugene Schmitz a émis et ordonné l'affichage d'une proclamation selon laquelle « les troupes fédérales, les membres de la police régulière et tous les officiers de police spéciaux ont été autorisés par lui à tuer toute personne trouvée en train de piller ou de commettre tout autre crime.
On compta à l'époque 478 morts, mais les autorités sous-estimaient l'impact réel de la catastrophe, notamment parmi la population chinoise.
Le bilan a depuis été revu à la hausse et le nombre généralement accepté est d'au moins 3 000 morts.
Des centaines de corps mutilés furent dégagés des décombres par les familles désespérées et transportés dans des morgues improvisées.
La plupart des décès ont eu lieu à San Francisco, mais 189 ont été signalés ailleurs dans la baie de San Francisco dans les villes voisines comme Santa Rosa et San Jose qui ont également subi de graves dommages.
Entre 225 000 et 300 000 personnes se retrouvèrent sans abris (sur environ 410 000 habitants et étaient en proie à la panique cherchant à quitter la ville ravagée par les violents incendies où règne une confusion indescriptible.
Environ la moitié des sinistrés se réfugièrent de l'autre côté de la baie à Oakland et Berkeley.
Le Golden Gate Park, le quartier voisin du Panhandle et les plages entre Ingleside et North Beach se retrouvèrent couverts de tentes de fortune improvisées.
Plus de deux ans plus tard, bon nombre de ces camps de réfugiés étaient toujours en place.
L'armée de terre américaine construisit 5 160 maisons provisoires pour héberger 20 000 réfugiés, regroupées en onze campements.
Ils détruisirent plus de 80 % de la ville.
Des plans pour la reconstruction de la ville furent élaborés tout de suite après le séisme.
Le tracé des rues existant subsista mais certains des projets virent le jour par la suite, notamment le Civic Center avec son hôtel de ville, des avenues plus larges, un métro sous Market Street, un Fisherman's Wharf à échelle humaine et un monument dominant la ville sur Telegraph Hill, la Coït Tower.
Le tremblement de terre de 1906 fut le premier de cette magnitude à être documenté par des photographies et des films cinématographiques.
Même si la sismologie en était à ses débuts, les experts savaient que San Francisco était située sur une ligne de faille.
Les séismes les plus importants dans la baie de San Francisco furent relevés en 1836, 1868, 1892 et en 1905.
Certains secteurs de la faille de San Andreas furent identifiés et reconnus comme potentiellement dangereux dès 1893.
Ce séisme provoqua une prise de conscience du danger sismique en Californie et la sismologie connut une période florissante.
Même si San Francisco fut rapidement reconstruite, le désastre relocalisa commerces, industries et population vers le sud, à Los Angeles, qui au cours du 20ème siècle devint la métropole la plus importante de l'Ouest des États-Unis.
Mais le rapport Lawson démontra que la même faille de San Andreas qui avait causé le séisme de SF était également proche de Los Angeles.
La catastrophe, dont le coût fut estimé à l'époque à au moins 350 millions de dollars pour San Francisco (équivalent à 8,9 milliards de dollars en 2024) et à 5 millions pour San Jose, eut des répercussions sur l'ensemble de l'économie américaine.
Le premier secteur touché fut l'assurance, qui connut une quarantaine de faillite de sociétés.
La destruction de la ville causa un mouvement de capitaux de New York vers la côte ouest pour financer les travaux de reconstruction. Ce mouvement de capitaux fut une des circonstances qui contribua au déclenchement de la panique bancaire américaine de 1907.
Le séisme et l'incendie de San Francisco en 1906 eurent un impact durable sur le développement économique de la Californie.
Date de dernière mise à jour : 23/09/2024