VENTE DE LA LOUISIANE 1803
ARTICLE DE ROLAND ROTH
L’histoire de la Louisiane est une longue histoire qui s’étend sur trois siècles.
Au 16èmesiècle, les Espagnols furent les premiers à s'aventurer dans les régions centrales de l’Amérique du Nord en espérant y trouver de l'or.
Hernando de Soto a torturé les Amérindiens sur son chemin et il a contracté la fièvre jaune dont il est mort en 1542. Son cadavre fut abandonné et déposé dans un tronc d'arbre creusé.
Après lui, les missionnaires jésuites espagnols connurent le même sort.
Les Français commencèrent à s’intéresser à l’Amérique du Nord au début du 16èmesiècle car ils étaient absents lors de la grande période des premières découvertes au 15èmeet début du 16èmesiècle.
Les Français étaient plutôt présents régulièrement en petit nombre au Canada à partir de 1603.
Ceux-ci explorèrent l’intérieur du pays et des trappeurs chassèrent les animaux à fourrure et servirent souvent de guides aux voyageurs.
Vers 1630, Jean Nicolet, dit le sieur de Belleborne, descendit jusqu’au lac Michigan.
En 1674, Louis Jolliot et le Père Marquette découvrirent le fleuve Mississippi.
René-Robert Cavelier de la Salle Arrivée en Louisiane L'expédition
En 1682, un Français de Rouen, René-Robert Cavelier de la Salle, partit du Canada pour chercher le fameux passage vers le Pacifique.
Il descendit le Mississippi en croyant que celui-ci se jette à l'Ouest, en Californie.
Il explora le pays alentour qu’il baptisa Louisiane en hommage à Louis XIV en s'arrogeant ainsi une bonne partie de l'Amérique du Nord.
A l’époque, dans cette région pas des plus accueillantes, on n'y rencontra que des aventuriers Anglais, des Espagnols, des Français, des chasseurs de castors et trappeurs ou des déserteurs.
Tous ces gens se croisèrent dans les forts où ils firent du troc.
Expédition de Cavelier de la Salle Accueil en Louisiane
En 1679, Daniel Greysolon dit le sieur du Lhut ou Luth, s’enfonça jusqu’au lac Supérieur et tout un réseau de postes de traite aux fourrures s’établit dans la région des Grands Lacs.
En 1715, le Canada français avait à peine 20 000 habitants tandis que les colonies anglaises américaines dépassaient déjà les 300 000 habitants.
En 1713, le traité d’Utrecht, qui mit fin à la guerre de Succession d’Espagne, a été désastreux pour le Canada avec la cession à l’Angleterre de l’Acadie, de Terre-Neuve et des postes de la baie d’Hudson.
René-Robert Cavelier de la Salle fit plusieurs expéditions entre 1679 et 1683.
Lors de sa dernière campagne, avec une trentaine de personnes, il se dirigea vers le sud et parvint en descendant le Mississippi en pirogue sur plus de 3 000 kilomètres au delta du fleuve au golfe du Mexique.
Il décrivit le territoire concerné, grand comme trois fois la France.
Cavelier de la Salle informa Versailles mais le roi ne s'y intéressa pas.
Mais l'aventurier insista pour organiser une nouvelle expédition et il repartit avec une centaine de volontaires sur deux navires.
Mais il ne trouva pas l'embouchure du Mississippi et se trouvait à plus de 600 kilomètres.
Les gens venus avec lui décédèrent en grand nombre. N’ayant plus le moral, les survivants se rebellèrent et assassinèrent Cavelier de la Salle le 19 mars 1687.
Pierre Lemoyne d’Iberville
En 1699, Pierre Lemoyne d’Iberville débuta une expédition qui permit la découverte des bouches du Mississippi.
Il retrouva le chenal, remonta le Mississippi et dans une belle courbe du fleuve installa le campement sur le site de la future Nouvelle-Orléans, en hommage au régent, le duc d'Orléans.
Puis d’Iberville remonta le fleuve jusqu’au pays des Natchez où il fonda Fort-Rosalie.
En 1717, son frère Lemoyne de Bienville fonda la vraie ville de la Nouvelle-Orléans.
En 1718, l'architecte Adrien de Pauger en dessina le plan avec des rues à angles droits de ce qu'on appelle aujourd'hui le «Vieux Carré».
Ces explorateurs espérèrent découvrir de l’or et des richesses minières.
Mais ils ne trouvèrent que des marécages infestés d'alligators, de moustiques et la fièvre jaune.
Heureusement les Indiens de la région, les Choctaw, étaient très pacifiques et leurs apprenaient à cultiver le maïs.
En 1720, la population de la Louisiane atteignit à peine cinq mille personnes.
À la mort de Louis XIV, les Français avaient exploré et occupé avec quelques postes d’immenses territoires qui encerclaient à l’ouest les possessions anglaises de la Nouvelle-Angleterre.
Au 18èmesiècle, l’empire français d’Amérique de la Louisiane n’avait que très peu d’avenir car il n’y avait pas de croissance économique et démographique.
A partir de 1730, Pierre de La Vérendrye explora avec ses fils les régions situées au-delà des grands lacs jusqu’au Saskatchewan (au Canada).
En 1743, ses fils étaient les premiers Européens à voir les Montagnes Rocheuses.
A partir de 1749, les gouverneurs du Canada, La Galisonnière et Duquesne, étendirent les possessions dans la vallée de l’Ohio ce qui provoqua une grande inquiétude et la réaction des colons anglais.
En 1754, de graves incidents émaillèrent la vallée de l’Ohio. Les troupes anglaises attaquèrent, sans déclaration de guerre, les postes français.
Après quelques victoires remportées par Montcalm en 1755 et 1758, la prise de Québec en septembre 1759 puis celle de Montréal un an plus tard marquèrent la fin du Canada français.
Le 10 février 1763, avec le désastreux traité de Paris signé par Louis XV suite à la guerre de Sept Ans, la France céda la rive occidentale du Mississippi à l'Angleterre et la rive orientale (jusqu'aux Montagnes Rocheuses) à l'Espagne ( territoire conquis par René-Robert Cavelier de La Salle un siècle plus tôt au nom du Roi-Soleil).
Jusqu’au 3 novembre 1762, les Louisianais étaient Français.
Le lendemain, ils furent Espagnols et ils ne le sauront que bien plus tard.
Le nouveau gouverneur espagnol n'arriva qu'en 1766 avec 30 vieux soldats et les deux communautés cohabitèrent pendant un certain temps dans une forme de gouvernement mixte.
La France ne conservait que Saint-Pierre et Miquelon.
Ce fut la fin d’un rêve d’empire en Amérique du Nord pour la France.
Ce vaste territoire de la Louisiane de plus de 2.144.476 km2 (530.000.000 acres) correspondait à 22,3 % de la superficie actuelle des États-Unis et fut plus vaste que l’ensemble des États-Unis de l’époque et allant de la Louisiane actuelle jusqu'au Canada
En effet, il s’étendait à peu près sur tout le bassin du Mississippi et il incluait ce qui constitue aujourd’hui l’Arkansas, le Missouri, l’Iowa, l’Oklahoma, le Kansas et le Nebraska ; une partie de la Louisiane, du Texas, du Nouveau Mexique, du Minnesota, du North Dakota, du South Dakota, du Montana, du Wyoming et du Colorado ainsi qu’une partie des provinces actuelles de l’Alberta et de la Saskatchewan au Canada.
La population totale de la Louisiane, en dehors des Amérindiens, était alors d'environ 50 à 60 000 habitants dont la moitié était des Noirs (esclaves africains).
Vers les années 1500, l'Amérique du Nord comptait au total environ sept millions d'habitants.
Mais cette population diminua fortement au 16èmesiècle surtout à cause des maladies ramenées par les Européens et contre lesquelles les Amérindiens n’étaient pas immunisés.
À la fin du 17èmesiècle, il ne restait plus que 100 à 200 000 indigènes en Basse-Louisiane.
Au début du 18èmesiècle, beaucoup d'Amérindiens
seront utilisés en tant qu’esclaves.
Les Français les envoyaient dans les Antilles, à Saint-Domingue et même au Canada.
En Louisiane, les planteurs préfèrèrent les Afro-Américains tout en gardant des domestiques amérindiens.
La colonisation française en Louisiane avait laissé un patrimoine culturel important et la langue française demeura encore la principale langue parlée en Louisiane jusqu’à la Guerre de Sécession.
LA VENTE DE LA LOUISIANE ….
En 1799, le Consulat vit le jour en France et le général Bonaparte prit le pouvoir.
Il souhaita récupérer la Louisiane pour développer sa politique en Amérique.
Le 1er octobre 1800, suite au traité de San Ildefonso signé en secret entre la France et l’Espagne, la Louisiane occidentale ainsi que de La Nouvelle-Orléans furent cédées à la France en échange du duché de Parme en Italie.
Le 18 janvier 1803, le roi d'Espagne rétrocéda ainsi la Louisiane à la France.
Suite à la rupture de la paix d’Amiens, le départ des troupes françaises pour former la garnison fut empêché.
La Louisiane devenait de ce fait indéfendable.
Le Premier Consul, Bonaparte, a dû renoncer à son rêve d’un vaste empire colonial français en Amérique après le désastre de l’expédition envoyée à Saint-Domingue (Haïti) pour soumettre les insurgés noirs.
Une nouvelle guerre contre l'Angleterre et quelques autres pays d'Europe se pointa en ce début du 19èmesiècle et comme Bonaparte ne veut pas que l'Angleterre mette la main sur la Louisiane, en ayant besoin de la neutralité américaine ainsi que d'argent, il décida donc de leur vendre ce grand territoire.
Cette vente de la Louisiane aux États-Unis permit à Bonaparte de financer en partie ses campagnes militaires et aussi son sacre d’empereur en 1804.
De toute façon Bonaparte a aussi fait ce choix car il savait qu'il ne pouvait pas défendre cet immense territoire face aux Anglais et que sa vente posera des problèmes à l'Empire britannique.
Pour le président Jefferson, Bonaparte, possédant la Louisiane, représentait une vraie menace d’un empire colonial français aux portes des Etats-Unis.
Des voix s’élevèrent en Amérique pour réclamer l’annexion de ces territoires.
Au départ, le Président Jefferson avait chargé James Monroe et Robert R. Livingston de négocier, pour la somme de 10 millions de dollars uniquement, l’achat du port de La Nouvelle-Orléans et de la région de la côte septentrionale du golfe du Mexique connue sous le nom de Floride occidentale.
Pierre Samuel du Pont de Nemours qui fut en étroites relations avec le président Thomas Jefferson proposa à Bonaparte une transaction très importante, celle de céder aux États-Unis l’ensemble de la colonie française de Louisiane avec ses immenses territoires de l'Ouest.
En mars 1803, Jefferson dépêcha James Monroe comme négociateur à Paris.
Bonaparte ordonna alors à Talleyrand, ministre des relations extérieures, qui connaissait bien l’Amérique pour y avoir séjourné, de vendre cette Floride occidentale et la Louisiane aux Américains.
Le 11 avril 1803, le ministre français du Trésor, le marquis de Barbé-Marbois, proposa officiellement au négociateur Robert R. Livingston la vente non pas de la seule Nouvelle-Orléans mais de toute la Louisiane, depuis le golfe du Mexique jusqu'à la terre de Rupert et du Mississippi aux Rocheuses.
Comme ses interlocuteurs semblaient pressés, Monroe fait baisser les enchères et le 30 avril 1803 on se mit d’accord pour la somme de 80 millions de francs soit 15 millions de dollars (8 cents l'hectare). et une annulation de dette de 15 millions de francs.
Par cette cession, la jeune Amérique voyait l’étendue de son territoire doubler, s’étendant considérablement vers l’Ouest.
James Monroe Robert R. Livingston Marquis de Barbé-Marbois
Le traité de cession fut signé à Paris le 30 avril 1803, côté français au nom de Bonaparte par le ministre du Trésor, le Premier Consul le marquis de Barbé-Marbois et côté américain, par James Monroe et Robert R. Livingston, envoyés spéciaux du Président des Etats-Unis, Thomas Jefferson.
Thomas Jefferson
Cet accord, qui renforça considérablement les Etats-Unis, sera ratifié le 20 octobre 1803 par le Congrès américain, malgré les réserves émises par des fédéralistes, irrités que l’on n’ait pas sollicité leur accord préalable et inquiets de l’octroi automatique de la citoyenneté américaine aux résidents des nouveaux territoires.
Le traité
L'Espagne rétrocéda officiellement la Louisiane à la France qui en prend officiellement possession le 30 novembre 1803, suites aux accords passés.
La France avait obtenu auparavant deux concessions majeures de l'Espagne : la partie orientale de Saint-Domingue, par le traité de Bâle le 22 juillet 1795 et la Louisiane, par le traité de San Ildefonso en 1800.
Quand l'Espagne céda la Louisiane à la France celle-ci pensait reprendre les choses en main dans sa colonie de Saint-Domingue. En effet, Toussaint Louverture s’était s'emparé de la partie orientale de l'île en janvier 1801, obligeant les planteurs espagnols à s’enfuir vers Cuba.
L’enjeu à Saint-Domingue était d’ordre économique car l’île produisait en 1789 la moitié du coton et du café mondial et plus du tiers du sucre.
Après l'armistice du 30 mars 1798, les réfugiés français de Saint-Domingue commencèrent à affluer dans le Natchez District et à La Nouvelle-Orléans en Louisiane.
La Louisiane resta encore espagnole jusqu'à la prise de possession par les Français.
C’est donc le 30 novembre 1803 que le pavillon espagnol fut enfin remplacé par le drapeau français.
Bonaparte va présenter cette vente de toute la Louisiane comme un geste de bonne volonté à l'égard des Américains amis en arrière-pensée dans une stratégie d'encerclement des possessions du Royaume-Uni.
Au départ, le président Jefferson n’était pas très favorable à ce projet.
Du côté français, Talleyrand était aussi très hostile à ce projet, qui selon lui réduirait à néant les plans français de colonisation de l'Amérique du Nord.
Mais l'idée de doubler la taille du pays finit par séduire quand même Thomas Jefferson.
Les négociateurs officiels des États-Unis pensaient que c’était là une chance historique et n’en revenaient pas suite à la proposition française de doubler la surface du territoire des États-Unis pour 15 millions de dollars.
Les 15 millions de dollars ou 80 millions de francs de l’époque pour la vente de la Louisiane représentaient une fois et demi le produit intérieur brut annuel de leur pays.
Les négociateurs américains acceptèrent sans tarder la «Louisiana Purchase» et ceci sans en référer au président Thomas Jefferson.
20 millions de la somme globale étaient réservés au compte personnel du ministre des Affaires étrangères, Talleyrand.
Pour pouvoir financer les 15 millions de dollars à Bonaparte qui en avait besoin pour sa guerre contre l’Angleterre, les États-Unis devaient s'endetter et les emprunter à un taux de 6 % à la « Barings », une banque… anglaise !
Le traité signé à Paris le fut sans consulter l'Assemblée nationale qui aurait refusé une telle perte pour la France.
Selon la Constitution française, la vente d’une propriété d'ordre national nécessitait l'approbation de l'Assemblée nationale.
Mais Bonaparte se dépêcha de vendre avant que l'assemblée ne s'en rende compte.
Les frères de Napoléon, Lucien et Joseph, étaient si indignés de cette vente qu'ils ont eu une sérieuse confrontation avec Bonaparte qui leur a dit qu'il se moquait de la Constitution française et de l'Assemblée des députés.
La vente a aussi violé le traité de San Ildefonso de 1800 car la France avait promis à l'Espagne que la Louisiane ne serait jamais vendue à une tierce partie.
Bonaparte, Jefferson, Madison et les membres du Congrès le savaient et ils ont ignoré le fait que c'était illégal.
L'Espagne a protesté vivement.
Les États-Unis ratifièrent le traité le 20 octobre et le 31 octobre 1803 autorisèrent le président Jefferson à prendre possession du territoire en y établissant un gouvernement militaire provisoire et d'organiser une mission d'exploration et de cartographie.
Les lois du 31 octobre 1803 énoncèrent la continuité de l'administration locale civile de la Louisiane en prolongeant les usages et règles acquis pendant les périodes de souverainetés française et espagnole et autorisèrent le président à utiliser l'armée pour le maintien de l'ordre.
Puis la France remit La Nouvelle-Orléans et la Louisiane aux États-Unis.
La prise de possession a eu lieu le 20 décembre 1803.
On descendit le drapeau tricolore français pendant qu’est hissée en grande pompe la bannière étoilée.
La bannière étoilée flotta surla place d'Armes de la Nouvelle-Orléans.
La Louisiane est américaine.
Quatre toasts furent portés au cours du souper qui suivait :
à Jefferson avec du madère pour les Etats-Unis
à Charles IV d’Espagne avec du malaga
à la République française et à Bonaparte avec du champagne
Quant au quatrième, il alla au bonheur éternel de la Louisiane.
Les 9 et 10 mars 1804, une cérémonie officielle, dénommée : journées des trois drapeaux, est tenue à Saint-Louis pour transférer le territoire de l'Espagne à la France puis de la France aux États-Unis.
À compter du 1er octobre 1804, l’ancienne Louisiane acquise devint officiellement un « territoire organisé » des États-Unis, constituée du « territoire d'Orléans » dont la plus grande partie forme actuellement la Louisiane et du district de Louisiane placé temporairement sous l'administration du territoire de l'Indiana.
L'expédition de Lewis et Clark est lancée en 1804, chargée d'explorer l'intérieur du continent en passant par l’ex. Louisiane et de trouver un passage vers l'océan Pacifique.
La manne de la vente de la Louisiane permettra à Bonaparte, devenu l'empereur Napoléon Ier lors de son sacre et du couronnement de l'impératrice Joséphine dans la cathédrale Notre-Dame de Paris le 2 décembre 1804, de lever des troupes importantes pour acquérir dans les années 1805-1807 la suprématie sur la majeure partie de l'Europe, l'Autriche et la Prusse.
Jefferson poursuivra sa vision d'une Amérique allant de l'Atlantique au Pacifique qui s’achèvera dans les décennies suivantes avec la conquête de l'Ouest.
La Louisiane est devenue officiellement le 18èmeétat de l'Union américaine en 1812.
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Date de dernière mise à jour : 05/04/2020